Photo : Le bataillon de reconnaissance du désert © Barak Chen, Unité du porte-parole de l’armée israélienne
Le Sénat américain a approuvé cette semaine un projet de loi engageant 14 milliards de dollars pour soutenir la guerre d’Israël contre Gaza.
Même avant le début de la guerre en octobre dernier, les États-Unis soutenaient fermement Israël en lui fournissant des équipements militaires, à hauteur de 3 milliards de dollars par an sous forme d’aide militaire. De nombreux autres pays apportent un soutien militaire à Israël par le biais de ventes d’armes.
Le nombre de victimes civiles continue d’augmenter à Gaza - il s’élève actuellement à plus de 28 000 morts et des milliers d’autres sont piégés sous les décombres et présumés morts en seulement quatre mois de bombardements et d’invasions terrestres. L’augmentation du nombre de morts suscite une condamnation internationale de la part des groupes humanitaires et de la société civile, sous la forme de déclarations, de protestations et de poursuites judiciaires à l’encontre des pays accusés de fournir un soutien militaire à Israël. Certains pays réagissent à cette pression.
Lundi, le responsable de la politique étrangère de l’Union européenne, Josep Borrell, a commenté la description faite par le président américain Joe Biden de la réponse d’Israël aux attaques du Hamas du 7 octobre, la qualifiant d’"exagérée". "Si vous estimez que trop de gens sont tués, peut-être devriez-vous fournir moins d’armes afin d’éviter qu’autant de gens soient tués", a déclaré M. Borrell à la presse.
Quels sont donc les pays qui continuent d’envoyer des armes à Israël et ceux qui prennent des mesures pour suspendre leurs livraisons ?
Qui fournit des armes à Israël ?
Selon la base de données sur les transferts d’armes de l’Institut international de recherche sur la paix de Stockholm, 68 % des importations d’armes d’Israël entre 2013 et 2022 provenaient des États-Unis.
L’armée américaine stocke également des armes sur le terrain en Israël, vraisemblablement pour l’armée américaine elle-même. Toutefois, les États-Unis ont permis à Israël d’utiliser une partie de ces fournitures pendant la guerre de Gaza.
Outre les États-Unis, Israël reçoit également des importations militaires d’autres pays.
– Les armes importées d’Allemagne représentent 28 % des importations militaires d’Israël. Les exportations militaires de l’Allemagne ont presque décuplé en 2023 par rapport à 2022 après avoir augmenté les ventes à Israël en novembre, selon les chiffres du ministère allemand de l’économie. L’Allemagne fournit principalement à Israël des composants pour les systèmes de défense aérienne et des équipements de communication, selon l’agence de presse allemande dpa.
– Le Royaume-Uni a autorisé au moins 474 millions de livres (594 millions de dollars) d’exportations militaires vers Israël depuis 2015, a rapporté Human Rights Watch en décembre 2023. Ces exportations comprenaient des avions, des missiles, des chars, des technologies et des munitions, y compris des composants pour le bombardier furtif F-35 utilisé à Gaza.
– Au Canada, des dizaines de groupes de la société civile ont récemment demandé au Premier ministre Justin Trudeau de mettre fin aux exportations d’armes vers Israël. Le gouvernement affirme qu’il n’envoie pas de systèmes d’armes complets à Israël, mais ces groupes de la société civile affirment qu’il minimise le montant du soutien militaire qu’il fournit. "Les entreprises canadiennes ont exporté plus de 84 millions de dollars [114 millions de dollars canadiens] de produits militaires vers Israël depuis 2015", a déclaré Michael Bueckert, vice-président de Canadians for Justice and Peace in the Middle East, un groupe de défense, ajoutant que le gouvernement a continué d’approuver les exportations d’armes depuis le début de la guerre.
– Le ministre des affaires étrangères d’Australie a déclaré que son pays n’avait pas fourni d’armes à Israël depuis le début de la guerre. Toutefois, David Shoebridge, porte-parole du parti des Verts australiens pour les questions de défense, a demandé au gouvernement de faire preuve de plus de transparence quant à la nature exacte des articles exportés vers Israël, ajoutant que le pays dispose de l’un des systèmes d’exportation d’armes les plus secrets au monde. Amnesty International a également demandé à l’Australie de mettre fin aux ventes d’armes à Israël et affirme que le pays a approuvé 322 exportations de matériel de défense vers Israël au cours des six dernières années.
– En France, une manifestation pro-palestinienne organisée le 7 février a appelé les entreprises françaises, dont Dassault Aviation, à cesser de vendre des armes à Israël. Selon l’agence de presse Anadolu, les manifestants ont déclaré que "toutes les entreprises françaises qui vendent des armes à l’administration de Tel-Aviv sont complices du génocide israélien à Gaza".
Quels sont les pays qui arrêtent les livraisons d’armes à Israël ?
– Aux Pays-Bas, un tribunal a donné lundi au gouvernement une semaine pour bloquer toutes les exportations de pièces destinées à l’avion de chasse F-35, qu’Israël utilise pour bombarder la bande de Gaza. Cette décision fait suite à une action en justice intentée contre le gouvernement par les organisations humanitaires néerlandaises Oxfam Novib, PAX Netherlands Peace Movement Foundation et The Rights Forum. Les préoccupations exprimées dans ce procès recoupent les questions examinées par la Cour internationale de justice (CIJ) dans le cadre de l’affaire de l’apartheid qui oppose l’Afrique du Sud à Israël. "Il est indéniable qu’il existe un risque évident que les pièces exportées du F-35 soient utilisées pour commettre de graves violations du droit humanitaire international", peut-on lire dans la décision de la Cour.
– En Belgique, un gouvernement régional a déclaré avoir suspendu deux licences d’exportation de poudre à canon vers Israël le 6 février. Le gouvernement régional aurait cité la décision provisoire de la CIJ selon laquelle Israël pourrait "plausiblement" commettre un génocide à Gaza.
– Au Japon, la société Itochu Corporation a annoncé le 5 février qu’elle mettrait fin à son partenariat avec le fabricant d’armes israélien Elbit Systems d’ici la fin du mois de février. Le directeur financier d’Itochu, Tsuyoshi Hachimura, a déclaré lors d’une conférence de presse que la suspension du protocole d’accord avec Elbit Systems était fondée sur une demande du ministère japonais de la défense et qu’elle n’était "aucunement liée au conflit actuel entre Israël et la Palestine". Il a toutefois ajouté : "Compte tenu de l’ordonnance de la Cour internationale de justice du 26 janvier et du fait que le gouvernement japonais soutient le rôle de la Cour, nous avons déjà suspendu les nouvelles activités liées au protocole d’accord et nous prévoyons d’y mettre fin d’ici à la fin du mois de février".
– Le ministre des affaires étrangères, Antonio Tajani, a déclaré le 20 janvier que l’Italie avait suspendu toutes les livraisons de systèmes d’armes ou de matériel militaire à Israël depuis le début de la guerre, le 7 octobre. Cette déclaration répondait aux appels du chef du parti démocrate, Elly Schlein, qui demandait au gouvernement de mettre fin à la fourniture d’armes à Israël.
– Le ministre des affaires étrangères d’Espagne a déclaré en janvier que le pays n’avait pas vendu d’armes à Israël depuis le début de la guerre et qu’il existait désormais un embargo sur les ventes d’armes. Toutefois, lundi, le quotidien espagnol El Diario a publié un rapport montrant que l’Espagne avait exporté des munitions d’une valeur d’environ 1,1 million de dollars à Israël en novembre. Le secrétaire d’État espagnol au commerce a justifié la vente de ces munitions en déclarant à El Diario que le "matériel était destiné à des tests ou à des démonstrations" et "correspondait à des licences accordées avant le 7 octobre″.
Quel rôle la décision de la CIJ a-t-elle joué dans l’arrêt des ventes d’armes ?
Dans sa décision provisoire sur l’affaire de génocide opposant l’Afrique du Sud à Israël, le 26 janvier, la CIJ a déclaré qu’Israël commettait "vraisemblablement" un génocide à Gaza et lui a ordonné de prendre "toutes les mesures en son pouvoir" pour empêcher des actes qui pourraient être assimilés à un génocide contre les Palestiniens de Gaza. Cette décision a incité les organisations humanitaires du monde entier à faire pression sur leurs gouvernements pour qu’ils mettent un terme aux ventes d’armes et à l’aide militaire.
Cette décision "va au-delà d’Israël", a déclaré Raed Jarrar, directeur des activités de plaidoyer au sein du groupe de réflexion Democracy for the Arab World Now (DAWN), basé à Washington. La décision provisoire met en évidence les obligations juridiques et politiques des pays en matière de prévention des génocides. Les défenseurs de cette cause affirment que les ventes d’armes et l’aide militaire pourraient être considérées comme une complicité de génocide et une violation du droit international.
Traduction : AFPS